Photo © Jean-Luc Mège
Par Marc Polisson
Journaliste professionnel, Joël Madile n’aurait jamais pensé embrasser un jour la carrière diplomatique. Malgré ses efforts, peu d’administrés savent que Lyon dispose d’une ambassade proche du Palais Bourbon dans le plus prestigieux quartier de Paris. Visite guidée.
Arrêt Solférino. La bouche de métro vous projette directement sur le boulevard Saint Germain. Première perpendiculaire à gauche, la rue Villersexel. Pas de drapeau qui flotte en façade (dommage !), pourtant c’est bel et bien là que loge l’ambassade lyonnaise. Son Excellence Joël Madile et sa consul Joëlle Charbonneau qui occupent un bel appartement de 280 m2 nous font faire le tour du propriétaire. De ses débuts à Résonances aux côtés de Régis Neyret, aux magazines du Dauphiné libéré en passant par l’info sur Radio Scoop, Joël a roulé sa bille dans le milieu journalistique. Jusqu’à ce jour de 1986 où Michel Noir l’emmène dans ses containeurs au Ministère du Commerce extérieur. Chargé de mission pendant deux ans à Paris, il n’en partira quasiment plus. En 1989, il décline les offres de service de son ministre pour la campagne des municipales. « J’ai été plutôt bien inspiré ! » reconnaît-il après coup. Alors que son ancien mentor et son gendre mettent Lyon en coupe réglée (en cash), Joël coupe les ponts avec Lyon. Et créé depuis la capitale une entreprise chargée de concevoir et de réaliser des magazines corporate, adossée à une structure de média training. Mais l’andouillette lyonnaise ne va tarder à le démanger. Ça tombe bien, en 1995, Alain Mérieux lui demande de venir donner un coup de main à Raymond Barre pour sa campagne. La victoire acquise, Christian Philip lui propose la direction de la communication de Lyon et du Grand Lyon. « Il aurait fallu être très con pour refuser ! » d’autant que de prestigieux évènements (G7 et Coupe du Monde de foot) se profilent à l’horizon. C’est là qu’il côtoie très diplomatiquement Gérard Collomb, élu maire du 9ème : « on a toujours oeuvré en bonne intelligence. »
En 1999, soupçonné de fuites au profit de ses amis de Lyon Capitale, son contrat n’est pas renouvelé. Il engage alors une procédure contre la mairie puis revient à ses (multiples) amours parisiennes « je reconnais vivre dans le péché ! » minaude-t-il. Le printemps 2001 voit Gégé arracher la mairie à une droite divisée et atomisée. Joël Madile qui a repris son bâton de pèlerin-reporter couvre les élections pour BFM et Channel 4, et interviewe le vainqueur du jour qui lui glisse : « ce serait bien qu’on travaille ensemble ! » Il faut dire qu’Annie Mesplède et Jean-Marc Requien, pour une fois d’accord, avaient proposé un deal au nouveau maire afin de sortir d’une double impasse : interrompre la procédure judiciaire de Joël et trouver une nouvelle affectation à l’appartement loué depuis 1989 par le Grand Lyon et inutilisé. Les mauvaises langues assurent que Michel Noir en avait fait sa garçonnière… aux frais du contribuable. L’idée de départ est de faire renouer les expatriés avec leur ville et d’en faire des ambassadeurs de Lyon auprès des médias parisiens. Si l’actuel sénateur-maire conserve un bureau dans la place, plus question de lupanar. Au mieux des pince-fesses qui rassemblent une fois par trimestre 800 Lyonnais sur les 23 000 recensés. Désormais opérationnelle, l’ambassade lyonnaise multiplie les promotions à caractère culturel (en relayant les grandes expositions des institutions lyonnaises), les partenariats, les actions de lobbying et de représentations, pour un budget total de 90 000 euros tout mouillé, site internet compris (www.lyonnaisdailleurs.com). En petites coupures, ils tiennent facilement dans une seule valise diplomatique mais font jaser dans les dîners en ville. « Si ça leur fait plaisir de dire que je ne fais rien, surtout ne démentez pas ! » rétorque Mister Madile qui sait que son poste suscite beaucoup de jalousie. « J’ai piqué la place de personne. C’était un pari fou et ça fonctionne ! » conclut-il en basculant son verre de Chivas. Cul sec.