Par Aymeric Engelhard
Dieu que l’Ouest sauvage est beau ! Surtout mis en lumière par les frères Coen qui lui offrent un retour en force absolument irrésistible. Le duo qui a cette faculté d’étonner à chaque film signe une plongée dans les méandres du western en jouant à la fois sur le classique et le crépusculaire. Superbe.
Finalement depuis « Impitoyable » de Clint Eastwood, où en était le western ? Aux clichés qui lui collent à la peau, à des remakes bien maigres (« 3h10 pour Yuma »), des comédies débiles (« Maverick », « Bandidas », « Wild Wild West »), des thèmes déjà épuisés (le règlement de compte à OK Corral pour ne citer que lui) et même de très beaux navets (« Blueberry »). Seuls quelques-uns parvenaient à sortir du lot (« L’Assassinat de Jesse James par le Lâche Robert Ford » ou encore « Le Bon, la Brute et le Cinglé »). Tarantino semblait alors le seul capable de se resservir intelligemment les bases dictées par John Ford puis par Sergio Leone ou Sam Peckinpah… Mais sans pour autant réaliser de véritables westerns (« Kill Bill vol. 2 » est celui qui s’en rapproche le plus). Cependant il n’était pas seul. En embuscade et avec une flopée de long-métrages se rapprochant du genre (« Arizona Junior », « Fargo », « O’ Brother » et « No Country for Old Men »), Joel et Ethan Coen possédaient tous les arguments nécessaires à la mise en chantier d’un vrai western qui éviterait chacun des défauts qui hante la production depuis le chef d’œuvre de Clint Eastwood.
D’où ce « True Grit », éminent remake de « 100 Dollars pour un Shérif » de Henry Hathaway où John Wayne traquait un tueur pour le compte d’une adolescente qui l’accompagnait ainsi qu’un Texas Ranger appelé LaBoeuf. Jeff Bridges reprend (brillamment) le rôle du marshal Rooster Cogburn, roublard de l’Ouest porté sur l’alcool qui n’hésite pas à se servir de son colt. Les frères Coen lorgnent bien plus du côté du western classique tel que celui qui fit le succès des années 50 (cela se sent énormément dans les dialogues et la musique). Pour autant, dès que le personnage de Cogburn apparaît c’est bien vers le crépusculaire que l’on se tourne. Un homme qui semble ne plus vraiment percevoir la frontière entre le bien et le mal alors qu’il file vers ses dernières années de service. C’est un nouveau portrait d’ancienne gloire de l’Ouest après celui proposé par le grand Clint en 1992. Cogburn n’est au final pas si éloigné des ordures qu’il poursuit : borgne, barbu, soiffard, accent paysan et goût assez prononcé pour les altercations arme au poing. Tout le contraire de son compagnon de route pour cette mission. LaBoeuf, très bien interprété par Matt Damon, représente quant à lui l’Ouest dépassé, c’est un texan habillé de façon ringarde, qui ne prend pas en compte les paroles d’une adolescente et qui tente tant bien que mal de ramener la loi dans une contrée depuis longtemps tombée dans l’anarchie. Le film joue habilement sur ces dualités. Ainsi Mattie Ross, l’héroïne dépeinte de manière fantastique par la jeune Hailee Steinfeld, personnifie l’évolution. C’est un personnage plein de vitalité qui a assurément son mot à dire. Les frères Coen parviennent en trois personnages à rassembler tout un pan de l’histoire de l’Ouest. Bluffant.
A partir de là la machine filmique n’a plus qu’à dérouler. Et « True Grit » peut allégrement jouer la carte du western épique. Chaque coup de feu impressionne par la violence qu’il distille, ce sont de véritables claques pour nos yeux et nos oreilles. Le film ne manque pas d’occasions pour montrer sa puissance. De plus, et c’est bien là l’un des principaux attraits techniques et/ou artistique du genre, la photographie éblouit littéralement. Notamment lors d’une séquence contemplation fabuleuse où les inoubliables paysages sauvages envahissent l’écran. On a droit à notre lot de plaines arides ou enneigées, dominées par la splendeur d’une Nature luxuriante ou non. De nombreux plans sur les personnages sont particulièrement somptueux aussi. Finalement un western par les frères Coen, cela allait de soi. Le duo parvient à faire mieux que quiconque sans pour autant verser dans l’originalité et trouve même le moyen d’insérer un humour qui leur est cher avec habileté. « True Grit » est un grand film. Le meilleur western depuis « Impitoyable » ? Oui !