Par Aymeric Engelhard
C’est un film sur la prise de la Bastille et les prémices de la Révolution vus à travers les bruits de couloir des serviteurs s’affairant à Versailles. C’est aussi l’histoire d’un amour, d’une passion qu’éprouve une jeune lectrice envers Marie-Antoinette alors que la monarchie s’effondre. Deux intrigues entremêlées créant un tourbillon brûlant dans une œuvre que l’on aurait préféré plus proche de « Barry Lyndon » que d’un reportage télévisé.
Dès les premières images le cadre est posé. Une légende nous indique la date : 14 juillet 1789. Le titre du film apparaît avec simplicité, sans procédés stylisés, sur une ronde de la garde royale. L’ambiance n’est pas à la fête au Royaume de France. En effet le soir même, le peuple prend possession de la Bastille, véritable symbole du pouvoir royal. « Les Adieux à la Reine » se déroule sur trois jours et ne sort jamais des murs de Versailles. En prenant le point de vue des serviteurs et plus précisément celui de Sydonie, jeune lectrice de la reine, le réalisateur montre comment la nouvelle s’est répandue dans la demeure du Roi qui apparaît ici tel un monde à part jouissant et reluisant complètement extérieur à ce qui se trame à Paris. Cela passe par des bruits de couloir, des rumeurs. Curieusement, la frontière entre servants et servis s’amenuise tant la peur et l’affolement gagne peu à peu les protagonistes. Mais au milieu de ces préoccupations, Sydonie n’entretient pas les mêmes craintes. Elle semble s’être amourachée de la Reine et désespère de la voir quitter Versailles pour se réfugier à Metz. Une passion qui apparaît vaine face à une Marie-Antoinette qui, elle, ne peut se résoudre à quitter une autre femme, Madame de Polignac. C’est le côté lesbien du film, loin d’être malin mais donnant une autre dimension aux rapports de l’époque. Et ces amours impossibles entre femmes offrant un charme inattendu à l’œuvre. Malgré les caprices, les insupportables changements d’humeur de la reine et l’affolement général, Sydonie l’aime d’un amour qui ne peut dépasser celui que l’on ne dévoile jamais. Un amour qui aura raison d’elle le jour où Marie-Antoinette lui demande de prendre la place de Madame de Polignac afin de camoufler la fuite de cette dernière. Jalousie mais fidélité, le tourbillon passionnel ne trouvera pas de fin heureuse. Benoît Jacquot veut ancrer son œuvre dans la réalité, il suit ses personnages au plus près, usant d’une caméra épaule malheureusement prédominante. Quelques plans fixes bien placés, bénéficiant d’un éclairage à la bougie somptueux, se retrouvent ci et là mais ils n’empêchent cette impression de documentaire qui se dégage de ces « Adieux… ». Réaliste, le film l’est, visuellement léché, il ne l’est pas malgré un extraordinaire travail sur les décors et costumes. Le long-métrage semble inachevé d’autant que la fin apparaît de manière abrupte, logique mais peut-être trop courte. Heureusement, Jacquot a su trouver les parfaits interprètes pour sa page historique. Le talent de Léa Seydoux grandit de film en film, elle constitue l’incarnation divine de cette beauté fragile qui hante le métrage. Diane Kruger cabotine gentiment, parfois agaçante, mais chassez-le son charme germanique revient toujours au galop. Et citons enfin Xavier Beauvois qui, en quelques courtes apparitions, dépeint un Louis XVI profondément humain, conscient de ses devoirs mais aussi de la malédiction du pouvoir qui lui a été attribué. Un beau casting au service d’une œuvre qui, si elle ne restera pas dans les annales, a su parler intelligemment et originalement de l’un des événements majeurs de l’Histoire de France. C’est déjà énorme.