Par Aymeric Engelhard
Avec son casting sentant un peu trop l’attrape-minette, son réalisateur largement inégal et son pitch hyper basique, « Killer Joe » ne semblait pas avoir les armes pour plaire. Ceci avant de voir un déchaînement de violence suraigu porté par une prestation d’acteur inattendue et totalement dingue dans un polar puant terriblement le souffre. Calmé, on sort de la séance désorienté.
William Friedkin a toujours travaillé sur les notions de violences viscérales et spirituelles. Sa filmographie transpire le malsain, qu’il traite du diable (« L’Exorciste ») ou même de l’homosexualité (« Cruising »). Mais il était à penser que l’homme se serait calmé avec l’avènement des années 2000 et que son statut de réalisateur culte ne serait plus alors qu’un souvenir.
Si « Bug » a déjà surpris en 2006 ce n’est rien à côté de « Killer Joe ». En adaptant la pièce éponyme de Tracy Letts, l’américain surprend, dérange et offre une nouvelle pierre de choix à son édifice cinématographique. Son dernier né fait pourtant dans une simplicité démente, un peu à la manière de « Drive » l’année dernière.
Un gamin engage un flic assassin pour abattre sa mère dont l’assurance vie s’élève à 50000 dollars. Somme qui attire et somme qui créera l’anarchie au sein d’une petite famille aux notions morales limites. Et Killer Joe profite en plus d’alimenter le chaos. Difficile à cerner, le personnage force le respect dès ses premières apparitions.
Plus le film avance, plus il se fait diabolique. Ses méthodes d’une violence sidérante et l’influence extrêmement nauséabonde qu’il exerce sur les autres en font un véritable agent horrifique, transformant dans ses envolées le polar en thriller apocalyptique. C’est là que Friedkin explose cette simplicité qui causait du tort à l’aura publique du long-métrage.
Et le choix de Matthew McConaughey se révèle tout à fait logique. Cantonné aux rôles de beau gosse musclé, l’acteur laisse échapper une folie absolument stupéfiante tant il semble habité lors des séquences trash. On ne l’avait jamais vu ainsi. Il écrase sans peine aucune le reste du casting pourtant très bon (en particulier Juno Temple) et s’impose comme une extraordinaire révélation.
Avec son physique de cow-boy ténébreux, McConaughey participe à cette ambiance western qui plane sur le métrage. La musique de Tyler Bates couplée aux silences inquiétants, le Texas, cette impression que tout tourne autour de la violence… On est définitivement dans une ambiance type western crépusculaire, bien plus que dans un quelconque polar, aussi sombre soit-il.
Sans en faire des tonnes, Friedkin montre tout son savoir-faire dès qu’il en a l’occasion. Il sait prendre son temps aussi, peut-être un peu trop même. La fin n’en est que plus brutale mais il faut reconnaître certaines longueurs dues notamment à des dialogues parfois légèrement étirés.
Mais effectivement, lorsque les dernières bobines arrivent, la lenteur précédente trouve tout son sens et le film s’achève dans une explosion de fureur totalement dingue qui confirme le fait que William Friedkin n’a pas pris une ride, au contraire il continue une filmographie en dents de scie mais toujours prompte à nous mettre en charpie.