Par Aymeric Engelhard
Après un « Dark Shadows » moyennement convaincant et surtout un « Alice au Pays des Merveilles » extrêmement douteux, on ne savait plus que penser de celui qui, il n’y a pas si longtemps encore, nous avait fait rêver avec une mariée cadavérique, un barbier sanguinaire, Batman, un cavalier sans tête ou encore un humanoïde avec des lames à la place des doigts. « Frankenweenie » se devait d’être un retour aux sources.
Il va de soi que c’est dans l’animation que Tim Burton a le plus laissé son imagination macabre éclater et envahir l’écran. Ses écrits les plus poétiques donneront « L’Etrange Noël de Mr. Jack » de Henry Selick et il co-réalisera « Les Noces Funèbres », tous deux usant du plus ancien procédé d’animation au monde : le stop-motion. Là où certains font dans la pâte à modeler grossière, ses créations se voient emplies d’une telle perfection dans la mise en scène que les résultats ressemblent à des productions Pixar, à la différence majeure qu’elles sont carrément palpables.
Ici, point d’images de synthèse. Comment est-ce possible ? Réponse simple : les tournages ne se comptent pas en semaines ou mois, mais bien en années. 24 images en une seconde de film, 24 prises de vue. C’est donc forcément avec une joie des plus significatives que l’on accueille « Frankenweenie », dernier rejeton d’un metteur en scène quelque peu « paumé » dans le tout numérique et le divertissement facile. Une sorte de retour aux sources évidemment attendu au tournant bien que les premiers espoirs se voient vite estompés.
Ce film constitue le remake personnel de son court-métrage homonyme de trente minutes (avec de vrais acteurs) sorti en 1984. Et autant l’annoncer tout suite, l’heure de différence entre les deux versions n’apporte absolument rien à l’histoire originelle de ce garçon sans amis qui ressuscite son chien victime d’un accident. Burton se contente juste de mêler à sa variation du « Frankenstein » de Mary Shelley ses premiers amours de jeunesse : les films de monstres.
Ainsi, d’autres élèves (aux physiques fantastiques) de l’école du jeune Victor sont au courant de ses expériences et comptent les mener à bien à leur tour. En résultent une tortue géante brillamment inspirée des dinosaures de pellicule des années 50 où même les plus paisibles herbivores se voyaient dotés de gigantesques crocs menaçants, un rat-garou épileptique qui aurait eu sa place dans « L’Etrange Noël de Mr. Jack », ou encore un improbable mix entre un chat et une chauve-souris qui amènera le héros et son chien mort-vivant dans un superbe final « old-school » à l’intérieur d’un vieux moulin en feu.
On retrouve totalement le Tim Burton que l’on avait perdu depuis « Les Noces Funèbres » (2005 quand même), son univers fabuleux dans lequel il rend le macabre beau et attirant, drôle et émouvant. « Frankenweenie » transpire de références à la jeunesse du réalisateur, qui use au passage d’un noir et blanc somptueux et pour qui le stop-motion semble avoir été inventé. Dommage alors qu’il n’ait pas mis cette nostalgie au service d’une autre œuvre plus surprenante.
S’il fait clairement partie de ses meilleurs travaux, ce dernier film ne marque en rien les esprits. Mais il prouve heureusement que l’un des plus passionnants metteurs en scène de ces vingt dernières années n’a pas rendu l’âme, malgré ses égards à fric récents.