L’animateur-chanteur est passé à la moulinette de Christian d’Aubarède et de Laurent Argelier dans le grand buzz d’Hit & Sport 98.4. Sur l’antenne de la radio lyonnaise, loin du microcosme parisien, Patrick Sébastien raconte sans langue de bois ses démêlés avec la direction de France 2 et son rapport au politique. Détonnant.
Christian d’Aubarède : Bonjour Patrick Sébastien, comment ça va ?
Patrick Sébastien : Bonjour les Lyonnais, ça va et vous, ça va le foot ! (rires)
C.D. : Où puisez-vous votre énergie ? Tout le monde le sait, vous n’avez pas eu que des bons moments.
P.S. : Ça fait partie de la vie, comme tout le monde.
C.D. : Oui mais vous avez toujours cette pêche, on vous voit aller a droite a gauche, mener tambour battant vos affaires, votre carrière, alors expliquez-nous ?
P.S. : En effet, ma vie d’aujourd’hui c’est tout en même temps. Je suis en train de réenregistrer un album. Je fais du théâtre dans un petit café-théâtre de 120 personnes pour le plaisir. On y joue une pièce géniale qui s’appelle le kangourou et c’est à mourir de rire. Un jour, quelqu’un m’a demandé pourquoi je faisais ça, je lui ai expliqué qu’un soir neuf handicapés mentaux sont venus à la sortie du spectacle, m’ont serré dans leurs bras et ils m’ont embrassé. Alors que quand je rentre dans les bureaux de France 2 personne ne me dit bonjour, tu vois la différence !
Laurent Argelier : C’est comme ça qu’ils vous traitent à France 2, jamais un bonjour, jamais un câlin (rire) ?
P.S. : Ils sont coincés, ce ne sont pas eux, en fait les responsables de tout ce qui se passe, c’est le petit, c’est le nain de jardin.
L.A. : Le nain de jardin c’est-à-dire Nicolas Sarkozy. Le président de la république c’est vraiment votre bête noire ?
P.S. : Non ce n’est pas ma bête noire, je ne le déteste pas. Je veux dire que ce mec avec les capacités, l’énergie, le charisme qu’il a, s’il avait un peu plus d’humanisme, il resterait dans l’histoire avec un grand H au lieu de rester comme Napoléon avec un petit N. Je trouve qu’il lui manque le souci des autres. Il a beaucoup de qualités et je ne vais pas démonter ce mec en disant que c’est un salaud. Ce n’est pas ça, c’est simplement que l’histoire de la suppression de la pub à la télévision, c’est un cadeau qu’il a fait à ses potes. Ce n’est que ça, à part que ça a des conséquences.
L.A. : Des conséquences dramatiques pour beaucoup de gens au sein du groupe France Télévision.
P.S. : Non pas dramatiques, il ne faut pas déconner.
L.A. : Si, si, dramatique, dans le sens où beaucoup de CDD qui travaillent depuis de nombreuses années pour les chaînes du service public, se retrouvent à la porte du jour au lendemain pour des raisons purement d’économiques.
P.S. : Pour moi c’est pareil. J’ai un contrat d’un an avec le service public, et là pour la première fois il me demande de baisser les prix de productions de mes émissions.
L.A. : De 10% ?
P.S. : Oui entre 5 et 10%. J’estime que l’argent qu’on gagne on ne le vole pas et surtout, je fais bosser 180 personnes sur mes émissions. Moi si je réduis les coûts je peux faire mes émissions avec moins de blé. Au lieu de faire 14 numéros qui viennent du monde entier dans le Grand Cabaret je peux n’en faire que 8 et puis mettre des rediffusions et ça sera pareil. Mais pour les gens c’est une escroquerie par rapport à ce que je leur ai donné jusqu’à présent. Dans « les Années Bonheur », j’ai 25 musiciens et des danseuses. Je peux très bien mettre des Play back, de jolis dessins derrière mais ce n’est pas ce que j’aime faire, donc je préfère à la limite m’arrêter plutôt que de faire ce qui ne me ressemble pas.
L.A. : France 2 ne considère pas vos émissions comme des émissions culturelles ?
P.S. : Non pas vraiment. Ce qui est dangereux dans cette télé publique, ce sont les gens qui sous prétexte de culture, font des choses médiocres, tout simplement. Il y en a plein qui font ça mais ce sont des copains du pouvoir. Moi je ne suis pas dans le lobbying et c’est vrai qu’en plus avec la manière dont je ramène ma gueule maintenant, faudra voir. Dans un an quand mon contrat s’arrête, si la disparition du « Cabaret » et des « Années Bonheur » correspond à l’arrivée du nouveau patron de France Télévision nommé par Sarkozy, les conclusions seront faciles à faire.
L.A. : C’est peut être tout simplement votre personnage qui peut déranger ?
P.S. : Peut être aussi !
L.A. : Quand on vous regarde lors de vos émissions, bien souvent nous voyons un animateur malheureux, vous donnez sincèrement l’impression d’être malheureux sur France 2.
P.S. : Oui, je suis malheureux de ne pas être considéré et je vais te dire, c’est marrant que tu aies capté ça, Laurent, parce que eux, ils ne le captent pas. Moi depuis 10 ans que je fais ça, ils ne sont jamais venus sur mon plateau, jamais. Le directeur des programmes de France 2 n’a jamais mis les pieds sur mon plateau. Quand j’enregistre mon émission le soir, il n’y a pas un mec de France 2. On va parler d’une autre radio que de Hit&Sport, je fais une émission sur RTL, Frédéric Jouve le patron des programmes est passé 25 fois nous voir, nous dire bonjour. Pour France 2 on n’existe pas. Il y a un moment où l’affectif, c’est peut être un truc à la con, c’est peut être un truc de nana, de midinette mais à un moment tu aimes bien quand tu fais ton travail, quand tu te casses le cul, qu’on se bouge, qu’on essaie de faire quelque chose de bien et que tu n’as aucune considération, tu te dis « bon d’accord et bien tant pis ». Qu’est-ce que tu veux que je te dise ?…
L.A. : Vous souffrez d’un manque de considération, d’amour et visiblement de reconnaissance ? (Comme Laurent Argelier, ndlr)
P.S. : Ce n’est pas une question de reconnaissance. Moi j’ai autant horreur des critiques absolues que des éloges absolues. Simplement je suis un humaniste pur. Mon prochain album va s’appeler « Y a que l’amour », ça fait ringard de dire ça depuis trente ans mais je ne crois qu’à ça. Et quand tu fais le tour de tout et que tu es passé par les cames, par l’alcool, par tout ce que tu veux, la came je n’y ai pas touché, et quand tu regardes tout ce qu’il y a autour, il n’y a que l’amour. Tous les problèmes, même la crise aujourd’hui, c’est un problème de considération des autres, c’est un problème d’amour. J’essaie de véhiculer ce message, qu’on se regarde un tout petit peu plus les uns les autres. Cette nouvelle télé, la téléréalité qui est arrivée avec les « Star’Academy » et compagnie, c’est quand même chacun pour sa gueule c’est à celui qui va écraser l’autre.
L.A. : Patrick Sébastien, l’individualisme est un phénomène croissant de notre société actuelle.
P.S. : Oui mais attends, moi j’en veux aux ados d’aujourd’hui de se poser devant la télé au lieu de bouger et de proposer quelque chose d’autre parce que c’est leur avenir. Ils devraient se réunir pour dire « merde ça suffit, cette société cruelle on n’en veut pas, on veut une société où on se regarde, où on s’aide, où on est solidaire ».
L.A. : Vous qui connaissez par cœur la politique et surtout les politiques, vous n’avez pas envie de vous lancer dans une carrière politique et pourquoi ne pas agir et arrêter de critiquer ?
P.S. : Non, mais un jour j’ai eu une conversation avec mon ami Chirac. On parlait de quelqu’un qui est voisin de Lyon, de Frédéric Dard. On avait créé un truc qui s’appelait « le droit au respect et à la dignité » et comme par hasard ça faisait Dard. Jacques Chirac m’a dit : « fais de la politique mais ne va pas dans les partis politiques ». Non, si c’est pour ressembler aux politiques que je vois aujourd’hui et qui sont tout sauf respectables. Parce qu’on parle tous de Sarkozy mais en face c’est une catastrophe. Ils sont devenus des rock stars. J’ai eu l’occasion d’en croiser quelques-uns et même des ministres d’aujourd’hui, on a l’impression que les mecs ne pensent qu’à passer à la télé, c’est abominable.
L.A. : Aujourd’hui beaucoup d’entre eux sont rentrés dans des plans de carrière en oubliant peut-être l’essentiel, faire de la politique au service des autres, et en aimant tout simplement les gens.
P.S. : Certainement Laurent, tu vois il y a un mec que je n’aimais pas particulièrement c’était Raymond Barre. Raymond Barre disait une chose très vraie, il faut des hommes d’Etat. C’est-à-dire des gens qui pensent d’abord à l’intérêt de l’Etat avant de penser aux leurs.
L.A. : Patrick Sébastien vous êtes un écorché, un sensible voire un rebelle mais votre fin vous la voyez comment ?
P.S. : Je l’ai toujours dit, j’aimerais bien la choisir moi-même parce que je n’ai pas choisi quand j’arrivais, j’aimerais bien choisir quand je pars. Il y a une chose que je sais, on ne laissera rien derrière nous, c’est pourquoi j’en profite tant que je suis vivant. Je vais essayer de te l’expliquer, la mort de ma maman m’a confirmé que quand les êtres s’en allaient, la force d’amour qu’ils avaient installée restait et protégeait les autres. Ce qui est merveilleux quand je vais partir parce que je vais rester autour de mes enfants. Donc, je vais m’appliquer pendant tout le temps qui me reste, à bâtir de l’amour pour bâtir cette sphère autour de moi, pour que ça protège tous les autres.
L.A. : Merci Patrick pour cette interview sans langue de bois et surtout n’oubliez pas une chose importante, c’est votre mission dans vos émissions de continuez à transmettre la bonne humeur sur le service public. Merci d’avance l’artiste !
P.S. : Merci beaucoup Laurent et Christian. Si je peux faire une petite parenthèse de plus. J’ai plein de gens qui m’ont fait des critiques magnifiques sur mon livre « Tu m’appelles en arrivant », en disant que j’étais « un grand écrivain »… Donc en conséquence de quoi, comme je vais me la péter, j’ai fait un nouvel album avec une chanson qui s’appelle « Occupe-toi de tes fesses, occupe-toi de ton cul », de sorte à rester dans la poésie pure, les mecs (rires).
Propos recueillis par Laurent Argelier et Christian d’Aubarède pour le « Grand Buzz »