Robert Sabatier, Michel Ragon et Bernard Pivot sur le stand d’Albin Michel
Par Alain Vollerin
Le livre n’est plus la vedette. La télé et le numérique ont pris le relais. Le vendredi, premier jour, (le vernissage fut paisible, c’est peu dire) on s’ennuyait ferme sur les stands. Le samedi amena un certain public de tous âges qui méprise la littérature. Il était venu là pour applaudir ses héros, les comédiens médiocres de la série « Plus Belle la Vie » sur France 3.
Il y a quelques années, les organisateurs avaient rejeté le numérique, alors dans ses balbutiements. Cette année, les petites fenêtres lumineuses ont pris leur revanche. Pas de doute, maniables en format de poche, elles sont en progression. Sony et les autres constructeurs occupaient une large place, et, preuve absolue, le groupe La Martinière et Gallimard s’associent pour distribuer des livres numériques. La mise en place du Salon, réalisée en partie par Carole Godefroy de Reed exhibitions est une gabegie totale. La Bande Dessinée attirait la foule. Tant mieux. Pourquoi n’avoir pas mieux réparti les éditeurs en mélangeant les genres ? Du coup, l’échec était là pour de nombreux éditeurs d’art, comme : Cercle d’art, Macula, Flammarion, Thallia, Somogy, Diane de Selliers, Réunion des Musées Nationaux, Centre Pompidou, Ecole Nationale des Beaux-Arts, etc. Certains sont décidés à ne plus revenir. Pour emplir le Salon, on accepte n’importe qui : marchands de stylos décorés, vendeurs de faux livres entourés de dentelles ou de colifichets et autres colliers en perles. La foire à Neuneu. Indigne des éditeurs qui font des choix éditoriaux et soutiennent un Patrimoine. On nous dit que la fréquentation du Salon est en augmentation de 20%. Par rapport à quelle année ? Ce sont des arguments de marchands de mètres de moquettes ! Nous sommes bien loin de ce passé, déjà lointain où, une foule compacte emplissait chaque allée, se bousculait dans un climat de fièvre acheteuse. Nous avons croisé et salué l’écrivain Charles Juliet, auquel nous avons présenté Alain Dubouillon, désormais parisien (qui est une star à Lyon, mais encore méconnu à Paris) et Jacky Redon, illustrateur passionné par le fier Henri Béraud. Aujourd’hui, tout pose problème dans ce domaine. L’avenir de la librairie faisait l’objet d’un débat qui fit salle comble. Par contre, aux questions « publie-t-on trop de livres ? » Et, « sont-ils trop chers ? » Aucune réponse ne fut apportée. Les visiteurs étaient bien frileux. Ils sortaient sans porte-monnaie, et souvent, avec un seul chèque délicatement plié en huit dans leur portefeuille. Les Parisiens sont sceptiques et prudents. Ont-ils compris que cette crise perdurera tant que les beaux parleurs qui dirigent nos sociétés n’auront pas décidé de s’attaquer au vrai problème, celui des prix ? Seule la baisse des prix, dans tous les domaines permettra une relance économique générale. Elle fera couler bien des larmes et grincer bien des dents, mais elle est indispensable, et, tout le reste n’est que littérature, comme on dit au Salon du Livre. Où, cette année, l’invité d’honneur, le Mexique, fut placé sous silence… On entendit bien quelques airs de tambourins et de flûtiaux, c’étaient des chercheurs venus réclamer sous les regards désapprobateurs des exposants la démission de Valérie Pécresse. Un scoop. L’an prochain, le Salon du Livre quittera la Porte de Versailles pour retrouver peut-être, l’esprit bon enfant de ses débuts, sous les lumineuses verrières du Grand Palais.