Photos © Jean-Luc Mège

Par Marc Polisson

Jacques Chalvin a le profil type du gendre idéal, porté par ces fils de bonne famille pas forcément surdiplômés mais débrouillards et conviviaux. C’est sur les bancs des Maristes et non du cours Florent qu’il a usé ses fonds de culotte. Et pourtant aujourd’hui, il dirige l’un des plus beaux théâtres parisiens…

 

 On l’avait laissé sur le toit du palais des Congrès de Lyon à l’époque bénie du Riad, ce bar éphémère (sic) monté par Olivier Farissier et Jean-Claude Caro avec vue imprenable sur le parc de la Tête d’Or. « C’était magnifique ! » se souvient Jacques Chalvin dont on perd la trace après cet épisode désenchanté à l’automne 2003. Les explorateurs Jean-Louis Etienne et Antoine assurent l’avoir croisé, andouillette et rosette en bandoulière lors d’une des conférences de Connaissances du Monde dont il est pendant trois ans le directeur général. « J’ai essayé de dépoussiérer cette institution, n°1 de la ciné conférence sur le voyage » explique Jacques qui préfère reprendre sa liberté début 2007. Approché par un chasseur de tête, il se voit proposer la direction… d’un théâtre parisien. La surprise est de taille pour Jacques jusqu’à l’explication de texte de son interlocuteur qui, plus qu’un directeur artistique, recherche un manager de lieu. Après les premiers entretiens d’usage, il se téléporte en Hollande pour rencontrer Joop (prononcez Yop, comme le yaourt à boire) Van Den Ende (le préfixe de Endemol). Le visage de Gene Hackman, l’homme n’est autre que le PDG de Stage Entairtainment qui possède pas moins de 40 théâtres dans le monde entier et affiche un CA de 600 millions d’euros. Le cofondateur d’Endemol a débarqué sur la scène parisienne voici deux ans en rachetant le théâtre Mogador, murs et fond, ainsi que l’immeuble de bureaux adjacent qu’il a rénovés de fond en comble (je n’ai pas osé demander l’addition globale…). Situé à deux pas du boulevard Haussmann, ce théâtre à l’anglaise construit en 1919 à l’initiative de l’impresario Alfred Butt, est inspiré du modèle des music-halls londoniens. Et ça tombe bien, car l’idée de JVDE est d’en faire un haut lieu des comédies musicales à l’instar de Broadway. Un pari en passe d’être gagné puisque « Le roi lion » actuellement à l’affiche, récompensé par trois Molière, a déjà été applaudi par 320 000 spectateurs. Ne vous attendez pas à retrouver Jacques Chalvin le soir sur scène au beau milieu des 250 artistes et techniciens. Notre homme œuvre dans la journée, son objectif étant de développer l’évènementiel autour du théâtre et de ses productions. Auparavant utilisé que le soir de spectacle, le théâtre vit désormais 24h/24 au gré des conventions, séminaires, lancements de produits divers et variés qui jalonnent désormais les journées bien remplies de son directeur. Dans ce domaine, l’ancien n°2 du Palais des Congrès de Lyon est comme un poisson dans l’eau. Cette volonté « d’optimiser l’espace » est une petite révolution dans le monde feutré des théâtres parisiens (même privés) où la vocation artistique est toujours mise en exergue. Une stratégie sans complexe qui fait tousser les puristes du spectacle subventionné.

On le sent heureux notre Jacques même loin d’Ecully, une commune huppée de la banlieue lyonnaise, où résident son épouse Agnès (Air France) et ses deux filles Candice, 16 ans (qui a démarré sa vie mondaine au sein du rallye Myrelingue) et Juliette, de trois ans sa cadette. Monsieur le directeur saute chaque week-end dans le TGV pour les retrouver. Célibataire tous les jours de la semaine que Dieu fait, en profite-il pour s’encanailler ? « Je ne dis pas que je suis rangé des voitures mais presque » sourit-il. Il n’en mène pas une vie monacale pour autant car nombreux sont les amis lyonnais à débarquer au bar du théâtre. Stéphan Blanchet, Henri Coron, Nicolas Ferrand, Alexis Barbat du Clozet ou encore Olivier Martin sont les joyeux chaperons de ses nuits parisiennes. Le temps d’une partie de golf sur les greens du Gouverneur, ses partenaires Rémi Brochier et Alexander Bronx ont le privilège d’écouter les anecdotes qui émaillent sa vie parisienne. Parmi les plus marquantes, l’inauguration du théâtre en septembre dernier par Jacques Veber et Jérôme Savary, en présence du Tout Paris de la politique et du spectacle, ou encore l’évacuation de 1628 spectateurs un soir de novembre après le déclenchement intempestif des alarmes incendie. Dans ce tableau idyllique, quid des rumeurs qui lui prêtent l’intention de racheter le Double Mixte à Villeurbanne ?* Il sourit (en coin) derrière ses petites lunettes Bugatti et embraye (à la lyonnaise) sur « les résultats qui sont au-delà de nos espérances ! Mogador est magique et je poursuis cette passionnante aventure ! » Mais qui a dit que le mot « incompatibilité » était au répertoire de Chalvin ?


* Jacques Chalvin a en effet concrétisé ce projet à l’automne 2008