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Par Aymeric Engelhard

 

Les grandes fresques à la « Lawrence d’Arabie » se font de plus en plus rares au cinéma. Les épopées fordiennes aussi, le public n’allaitant plus comme avant. Mais pour l’amateur de grand cinéma l’arrivée de « Cheval de Guerre » est un véritable retour aux sources. D’autant que c’est le roi du mélange divertissement/film d’auteur qui s’en charge. « Cheval de Guerre » se pose alors comme une évidence. Au final, les avis apparaissent plus partagés que prévu…

 

C’est le cinéaste le plus connu de la planète, tout le monde a vu « Les Dents de la Mer », la trilogie « Indiana Jones » (jamais entendu parler d’un quatrième épisode…), « Jurassic Park », « E.T. », « Il faut sauver le soldat Ryan », etc… Steven Spielberg a laissé une empreinte indélébile sur le cinéma mais aussi dans l’esprit des spectateurs du monde entier. Sa capacité à mélanger film d’auteur et divertissement de haute volée reste absolument inégalée. Pour notre plus grand plaisir sort alors « Cheval de Guerre », film qui pourrait aisément s’apparenter à une synthèse de la filmographie du maître. En effet tout y est (sauf les extra-terrestres). C’est l’histoire d’un cheval, Joey, lié à un jeune fermier. Il permet à la ferme de perdurer mais doit être vendu à l’armée anglaise. Il va alors traverser tout le théâtre de la Première Guerre Mondiale, passant de mains en mains, de nationalités en nationalités. Si le début apparaît comme particulièrement infect, ressemblant douloureusement à un pauvre épisode de « Dr Quinn », la suite est heureusement bien plus inspirée. Prenant pour la première fois de sa carrière la guerre de 14-18 comme toile de fond, Spielberg déroule une fresque immense où s’enchaînent les personnages. Alors que la première heure flirte avec « Prince Noir », dans la suite le cheval n’est plus que le raccord entre différentes situations profondément humaines. Une rivalité entre officiers anglais, deux frères allemands voulant fuir la guerre, un grand-père français (le meilleur personnage, interprété par Niels Arestrup) et sa petite fille ayant perdu ses parents… Jusqu’à cette scène absolument renversante où Joey, après une course à la liberté dans les tranchées, se voit arrêté par des barbelés. Un anglais et un allemand sortent alors tous deux de leurs camps respectifs pour venir en aide à l’animal. Court mais intense moment de paix. Spielberg brasse les thèmes. Il utilise le cheval pour amener des instants d’humanité au sein d’un conflit extrêmement meurtrier. C’est parfois nian-nian, un peu ridicule, mais incontestablement le maître sait y faire. Alors que de nombreuses scènes sont remplies de bons sentiments parfois exaspérants, Spielberg contrebalance avec des séquences fortes démontrant son inégalable savoir-faire. Ainsi chaque scène de guerre impressionne fortement, les tranchées n’ont jamais été aussi bien montrées. Du coup, si le scénario n’a rien de franchement malin, que les dialogues apparaissent surfaits et que la musique de John Williams n’a jamais été aussi risible, le grand réalisateur aidé par ses inévitables références à John Ford (les plans finaux), David Lean ou Franck Capra, met tout son cœur de grand enfant dans « Cheval de Guerre » pour en faire une imposante fresque comme on n’en voit pas tous les jours. Dommage alors que son film soit si inégal. C’est simple, sans violons larmoyants, sans bêtises enfantines et sans prologue ridicule, « Cheval de Guerre » était un chef d’œuvre.