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Par Aymeric Engelhard

 

« Dark Shadows » est l’adaptation d’une série télévisée éponyme diffusée dans les années 60. Vampires, loup-garou, sorcières… Le bestiaire semblait destiné à terminer entre les mains d’orfèvre d’un grand sensible aux cheveux noirs hirsutes. Un réalisateur qui doit se rattraper après une plongée dans le terrier du lapin blanc quelque peu… décevante. Mais force est bien de constater qu’il est bien loin l’artiste de « Sleepy Hollow ».

 

Quand on débute sa carrière avec des films de la qualité artistique de « Batman, le Défi », « Sleepy Hollow » ou « Edward ou Mains d’Argent », fascinantes œuvres gothiques sans effets numériques, et qu’on l’enchaîne avec « Charlie et la Chocolaterie » ou « Alice au Pays des Merveilles » dans lesquels le moindre détail regorge de pixels, on se prend à dire que certains artistes changent trop facilement. Ayant à cœur de projeter à l’écran l’univers bouillonnant de son cerveau faussement dépressif, Tim Burton a bel et bien sombré dans le tout numérique afin de n’avoir plus aucune limite. On pourrait dire qu’il a raison, surtout quand on voit ce que fît James Cameron sur « Avatar ». Sauf qu’il y a deux types de cinéastes : ceux qui savent utiliser les images de synthèse… et ceux qui font n’importe quoi avec. Burton trouverait plutôt sa place au sein de la seconde catégorie, à notre grand dam. D’où les nombreux tics accompagnant la projection de « Dark Shadows », son dernier bébé forcément attendu au tournant. Le fait est que Burton imagine et créé des décors d’une beauté extraordinaire, empruntant à ses peurs enfantines. Du coup, on ne peut que s’incliner une fois de plus devant le design du moindre arbuste. Mais la moindre couche de numérique se distingue tellement que jamais, au grand jamais, on ne pourra y croire. Certains jeux-vidéos apparaissent plus réalistes que certains plans d’ensemble du film.

 

De même, on pourra critiquer le scénario qui est comme les images de synthèses : faux et peu enclin à diriger l’œuvre vers le haut. Les facilités l’accablent. Finalement le Burton de la décennie 2010 c’est un peu ça : l’artiste est toujours là mais il préfère ne plus se salir les mains, ne plus prendre le moindre risque et verser dans une facilité maladive. En témoignent encore une fois les présences de Johnny Depp et Helena Bonham Carter, décidément toujours au générique. Heureusement pour nous, « Dark Shadows » constitue pour autant un excellent divertissement saupoudré d’un humour et d’une sensualité pour le moins agréables. Les costumes sont somptueux (Depp apparaît comme une superbe nouvelle version du Nosferatu de Murnau) et puis il y a Eva Green. La française irradie le métrage d’une chaleur torride, d’un magnétisme fulgurant en grande méchante. Ses assauts finaux en poupée de porcelaine brisée arrachent quelques-uns des frissons les plus excitants de l’année. Sa présence sauve les meubles et sort quelque peu le film du simple divertissement. Burton se retrouve enfin, peut-être est-ce annonciateur d’une suite de carrière revenant aux origines. Etonnamment, cela semble bien parti puisqu’il retrouve la merveilleuse animation en stop-motion de « L’Etrange Noël de Mr. Jack » et « Les Noves Funèbres » avec « Frankenweenie » prévu pour octobre. La bande-annonce laisse rêveur, espérons que le film procure les mêmes sentiments.