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Par Aymeric Engelhard

 

Après « Un Prophète » l’année dernière, c’est au tour de « Dog Pound » d’entrer de manière frontale dans l’univers carcéral. Au sein d’une maison de redressement, la violence fait rage. Aucune brutalité n’est épargnée mais au final c’est l’émotion qui l’emporte. Pas une claque, non, un uppercut !

Kim Chapiron est issu d’un collectif de jeunes fous de cinéma baptisé « Kourtrajme ». Il a comme très bons collaborateurs entre autres Romain Gavras et Vincent Cassel. Le collectif a donné vie à un premier long-métrage en 2005 intitulé « Sheitan », film d’horreur « casse-gueule » et plutôt controversé, réalisé par Chapiron himself. Il est facile de remarquer le manque de maîtrise de l’entreprise, d’où la claque ressentie devant « Dog Pound ». On propose au jeune réalisateur un film se déroulant au sein d’une maison de redressement, sorte de maison de redressement pour adolescents. On était alors loin d’imaginer à quel point la maîtrise du garçon allait exploser. Le principe du film veut que l’on suive trois personnages avec chacun plus ou moins d’intensité. Ils se prénomment Butch (17 ans), Davis (16 ans) et Angel (15 ans). Trois Américains au tempérament imprévisible qui ont enfreint la loi de façon claire et nette, chacun à leur manière. Leur arrivée dans l’établissement n’évite aucun cliché : fouille à nu, énoncé des règles, présentation du dortoir… On situe bien l’univers carcéral. Suivront alors les évènements qu’on appréhende mais qui fonctionnent tellement bien : domination des plus forts, trafics avec l’extérieur, corruption des gardiens, scènes de violence, de sodomie… Tout y passe. Mais force est de constater qu’avec des adolescents pour protagonistes c’est encore plus impressionnant. Chapiron ne lésine pas sur les démonstrations de violence extrême, il colle une haine terrifiante dans les regards et gestes de ses personnages. Jusqu’à la démonstration suprême finale.

 

Si l’on regrettera le fait que « Dog Pound » ressemble essentiellement à un enchaînement de séquences difficiles, on remarquera aisément que l’impact sur la maison de redressement dans son intégralité est chaque fois plus imposant. Pas de pitié, pas de cadeau, là où tout pourrait n’être qu’une simple peine à purger pour chacun des détenus se révèle être en fait une guerre sans merci. Dans « Dog Pound », le voyou l’est et le reste. La démarche fait preuve d’intelligence. Plutôt que de nous resservir une énième fois le coup des prisonniers capables de changer, Chapiron montre des jeunes parfois drôles, bons vivants et chaleureux mais animés par de sombres desseins. Ce qui entraîne une interrogation, celle de ne plus savoir qui doit-on considérer comme les « gentils » du film, gardiens ou détenus. Car du côté du personnel pénitentiaire, la donne est tout aussi corsée. Le réalisateur réussit finalement à donner le minimum d’originalité qu’il fallait à son œuvre pour qu’elle ne soit pas écrasée par toutes les merveilles cinématographiques carcérales mais au contraire les rejoignent sans complexe. Après, Chapiron n’est pas Audiard et techniquement « Dog Pound » n’a rien d’exceptionnel à montrer (on a droit notamment à quelques zooms abjects) mais il faut bien reconnaître que les plans fixes et les gros plans sont bien souvent les plus efficaces dans ce genre d’entreprise. Comme la musique, jamais inutile, assez discrète.

 

Au final, « Dog Pound » c’est cela, un film qui fait la part belle au terme « efficace ». Sidérant de violence et de haine, le deuxième long-métrage de Kim Chapiron effare. Il frappe méchamment là où ça fait mal, démontre une efficacité rare et bouleverse. Il révèle aussi une bande d’acteurs d’une justesse inouïe littéralement happés dans des rôles stupéfiants. « Dog Pound » ou l’uppercut de l’année.