Par Aymeric Engelhard
Basé sur un article de presse, ce long métrage intimiste presque sans musique lance une attaque frontale non dénuée de violence sur le processus d’adoption. Le résultat est surprenant, loin des clichés, d’où ce constat que le film n’est pas là pour impressionner la galerie mais bien pour faire mal.
Claude Miller est de ces réalisateurs qui font des films instinctivement. Alors que certains cogitent pendant des années sur un scénario, Miller « chope » un article en vol et en fait l’adaptation. C’est la première fois qu’il travaille avec son fils, Nathan. Selon les dires de Miller senior : « Cette collaboration aura surtout pesé au niveau de l’écriture du scénario ». Un scénario caractéristique car venant d’un article de tout au plus deux pages que le réalisateur d’ « Un Secret » transforme en drame haineux surprenant. Il raconte le chemin d’un jeune homme, Thomas, pour retrouver sa mère biologique qui l’a abandonné alors qu’il n’avait que sept ans. On découvre le personnage à trois périodes de sa vie à l’aide d’un montage à la « 21 Grammes » (plus « bordelique » que chronologique mais à l’effet de style garanti). Or c’est la dernière partie qui va nous intéresser le plus car Thomas retrouve sa mère. Une relation pesante va alors se créer entre eux, elle ne renie pas son fils mais n’est pas douce avec lui pour autant. Ils se parlent comme deux connaissances. Il tente de faire avancer les choses, elle s’y refuse, on ne sait pourquoi. Les Miller vont parfois jusqu’à montrer une tension quasi sexuelle entre eux, comme s’ils éprouvaient de l’attirance l’un pour l’autre. Sauf qu’un jour, sans que l’on s’y attende, Thomas craque. Une scène impressionnante qui fera décoller le film. Alors que la violence psychologique avait atteint un niveau déjà élevé, cette scène nous arrache une exclamation non voulue tant elle surprend par sa soudaineté. La violence physique a aussi sa place dans « Je suis heureux que ma mère soit vivante ». Pourtant on ne criera pas au chef d’œuvre. Bien qu’ils ne veuillent pas épater la galerie, Miller senior et junior réalisent une œuvre parfois étrange. Aussi la prestation de Sophie Cattani laisse dubitatif. Soit elle est parfaite en mère haineuse, soit cette actrice de théâtre n’a pas su trouver le bon ton. Pour autant il s’agit d’un rôle difficile. Vincent Rottiers, son fils dans le film, constitue une belle révélation. Intelligent dans son jeu et charismatique à l’écran, il incarne un personnage tiraillé constamment en conflit avec son entourage. Il faut dire que le long-métrage traite de façon brutale du processus d’adoption. L’enfant fait preuve d’amour envers la famille adoptive mais jamais il ne se sent véritablement chez lui. Il devient dur avec ses « parents » si bien que ceux-ci ne le supportent plus. Alors que lui mène son combat, son petit frère se « contrefiche » de sa mère biologique. Les Miller montrent ces problèmes familiaux de façon sèche et radicale. Ils commencent en montrant la venue de ce combat dans la tête de l’enfant lorsqu’il atteint la période clé de la crise d’adolescence pour en accentuer la violence. « Je suis heureux… » n’est pas ce genre de film qui fait dans la dentelle. Une œuvre sincère, violente dans son propos mais bien loin d’être inutile.