Par Aymeric Engelhard
Le péplum se faisant rare au cinéma, il n’est pas étonnant que l’on saute sur le premier venu. Surtout lorsqu’il se trouve mis en scène par celui qui sublima « Le dernier roi d’Ecosse ». Sauf que l’annonce du casting puis la vision de la bande-annonce avaient de quoi refroidir même les moins frileux. Curiosité et méfiance donc face à une œuvre forcément attendue au tournant.
Quoi qu’on en dise, pour les générations actuelles, le péplum référence de ces deux dernières décennies reste le « Gladiator » de Ridley Scott. Du coup, et un peu comme pour le western, chaque film du genre qui s’offre une place dans les salles de cinéma créé l’événement. « L’Aigle de la Neuvième Légion » se retrouve observé de toute part. Et à vrai dire les premières images ne déméritent pas. C’est avec un plaisir non dissimulé que l’on se retrouve propulsé dans une Antiquité ultra réaliste avec une armée romaine aux costumes somptueux évoluant dans de fabuleux décors. Première bataille, premiers (et malheureusement derniers) frissons. Boucliers et pilums s’entrechoquent contre des hordes de Bretons assoiffés de vengeance. La fin de la bataille signe aussi la fin des points forts du métrage. Le nouveau centurion venu prendre en charge la garnison du nord de la Bretagne se lance dans une quête afin de retrouver l’emblème de la Neuvième Légion (un aigle) perdu des années auparavant par son propre père et ses soldats à l’extrême nord du pays. Par cet acte, c’est l’honneur de sa famille qu’il sauverait mais aussi celui de Rome. Il part donc avec son esclave en terres inconnues et nous embarque par la même occasion dans un énième film de costume hollywoodien sans valeur.
Pourtant quand on cite Kevin Macdonald à la réalisation, il y a de quoi espérer du lourd. Mais non, il est à penser que l’homme n’a réussi qu’à briller dans son « Dernier roi d’Ecosse » car que ce soit « Jeux de pouvoir » (2009) ou cet « Aigle… » on ne peut faire de cinéma plus impersonnel. S’appuyant sur un acteur consternant depuis le début de sa toute jeune carrière (Channing Tatum, constamment dans des rôles de beau gosse musclé au regard perçant mais vide de toute intelligence), Macdonald ne met en scène qu’un film d’aventure dépassé aux dialogues faussement solennels et aux séquences ridicules de niaiserie. Malgré tout, le film passe plutôt bien, c’est à son avantage, on ne s’y ennuie (presque) pas. Mais chaque plan ressemble à ce avec quoi Hollywood veut nous gaver chaque jour sans parler des scènes d’action particulièrement illisibles (un véritable matraquage d’images dans la mouvance actuelle des « Transformers », littéralement LES films qui pourrissent tout sens de mise en scène dans l’action). Là où un Ridley Scott aurait déchaîné les enfers et propulsé son art au firmament, Macdonald ne fait que creuser sa propre tombe.
Qui plus est, en faisant appel à des interprètes tels que Channing Tatum et Jamie Bell, le réalisateur semble tomber dans le « teenage movie » avec un casting qui ne parlera qu’aux adolescents. Même Mark Strong (« Kick-Ass », « Robin des Bois ») semble à la rue. Et ce n’est pas le « vieux d’la vieille » Donald Sutherland ou encore l’excellent (et français) Tahar Rahim qui changeront la donne. Reste qu’ils évoluent dans un univers visuel proprement somptueux, seul qualité durable d’une œuvre vraiment pas terrible qui n’ose rien, ne propose rien et s’oublie très rapidement. Consternant pour un genre aussi rare que le péplum…