Par Aymeric Engelhard
« Le cinéma c’est un peu une question de désir » dixit Philippe Godeau. Mais qu’en est-il de l’alcool ou même de la dépendance en général ? Son film permet de se poser la question. Sans l’art mais avec la manière, ce producteur improvisé réalisateur créé une vraie œuvre persuasive qui offre à François Cluzet un rôle en or.
Adapté du roman éponyme d’Hervé Chabalier, « Le Dernier pour la Route » entre dans cette catégorie de films traitant de la dépendance en général. Bien que l’alcool soit mis en avant, Chabalier veut bien montrer que toute forme est mauvaise. Ainsi il dévoile son expérience personnelle. Et c’est ce qui charme Philippe Godeau (producteur de « Largo Winch »). L’idée d’utiliser le cinéma en tant que prévention (indirectement) face à ce fléau ne date pas d’hier mais bien souvent la douche était plutôt froide et la claque difficile à encaisser. Pour exemple, on retiendra les fougueux « Requiem for a Dream » et « Trainspotting », coups de maîtres sur le thème destructeur de la drogue. Godeau y va, quand à lui, plus doucement. Il garde en tête toute la finesse du roman pour en tirer un scénario assez sage. Hervé, buveur émérite, se prend enfin en main et entame une cure dans un centre spécialisé. Après avoir été synonyme de souffrance pour ses proches, il doit reprendre confiance en lui à l’aide des patients avec qui il partage son mal-être. A scénario sage, mise en scène sage. Godeau ne va pas chercher très loin, il se contente d’énumérer les évènements et étapes qui font la vie de l’établissement ainsi que du personnage. Des relations se créent, certaines plus fortes que d’autres. Comme celle rapprochant Hervé (marié, un gosse) et Magali (23 ans, pochtronne dans l’âme). Prenant des proportions grandiloquentes, cette rencontre sera marquée par l’attirance que les deux malades se portent. Le résultat est pour le moins explosif. Hervé ne peut plus s’en séparer malgré la force rebelle de la jeune fille. Elle dit vivre sa vie et ne veut pas être soignée. Mais elle est aussi capable de faveurs sexuelles envers la gente masculine ne serais-ce que pour un petit verre d’alcool. Hervé en devient dingue et sa maladie se voit associée à cette attirance. Ainsi, si le réalisateur a choisi d’accentuer ce duo c’est peut-être dans le but de personnifier le désir de boire en la personne de Magali. Guérira-t-il ? Suspense. Le film se déroule quasi entièrement dans le cadre du centre de cure. D’où ces longueurs. On peine à décoller, on ressent les choses mais on n’est loin d’être choqué. Godeau ne met pas le feu aux poudres, il préfère se concentrer sur ses comédiens. Pourtant on y a crue. Lorsque Michel Vuillermoz, pris d’une crise de vomissements, s’en va s’écrouler en crachant du sang. Scène implacable et littéralement bluffante, on croit à la mise en orbite du long-métrage. Mais non, tant pis. Alors on se rabat sur les acteurs, et, comme le réalisateur, on les adore. François Cluzet, phénoménal de vérité, sort enfin des sentiers battus dans lesquels il s’enlisait. De même pour Mélanie Thierry qui, après un passage raté dans le semi-hollywoodien « Babylon A. D. », donne beaucoup de puissance à son personnage. Avec un superbe Michel Vuillermoz, un petit rôle en or pour Anne Consigny (bouleversante) et toute la belle troupe de joyeux ou tristes malades, on n’est pas en reste côté interprétation. Mais c’est bien là le seul point irréprochable. En fait « Le Dernier pour la Route » constitue un film sympathique, jamais incroyable. Pour un premier film derrière la caméra, c’est quand même du bon travail.