Par Aymeric Engelhard
La comédie française connaît de belles heures cette année avec notamment « L’Arnacoeur ». Le drame aussi comme en témoigne l’immense « Des Hommes et des Dieux ». Couplés, les deux genres peuvent parfois donner le pire mais aussi et surtout le meilleur. « Les Petits Mouchoirs » le confirme largement.
Comment débuter son film avec classe ? Par l’utilisation de ce haut procédé cinématographique si difficile et précis qu’est le plan-séquence. L’objectif reste scotché sur un personnage, lui tourne autour par moment, suit ses faits et gestes sans jamais couper. Jusqu’au drame. Un accident classique, prévisible mais toujours aussi violent lorsqu’il survient. Il faut le voir pour le croire tant la qualité de ce premier et (très) long plan atteint de rares sommets. « Les Petits Mouchoirs » commencent ainsi, l’histoire de nous enfoncer dans nos sièges préparés à 2h30 d’extase. Cet accident c’est celui de Ludo, membre d’une bande de potes qui a pour habitude de partir en vacances l’été venu. Sans lui cette année. Si de nombreux éléments amènent à penser que ces vacances seront semblables à toutes les autres, ils se fourrent le doigt dans l’œil jusqu’au coude. Plus rien de sera comme avant. Entre le macho qui cache une certaine sensibilité, l’homme physiquement viril mais gay dans l’âme, le quinqua coincé ou encore l’amoureux obsédé par son ex., les mecs alignent les personnalités « cliché ». C’est souvent par le biais de la gente féminine que ceux-ci se révèlent. Chaque personnage possède une façade qui devra évoluer.
Guillaume Canet, pour qui c’est le troisième film en tant que metteur en scène, s’inspire de son vécu pour créer une bande d’amis soudée mais aussi explosive. On ne dénombre plus les scènes de fraternité ainsi que celles de tension. Chacun des protagonistes est travaillé en profondeur comme il se doit, même les moins utilisés (Pascale Arbillot et Valérie Bonneton en tête impressionnent). On peut seulement reprocher au scénario d’éviter toute surprise. Les situations, qu’elles soient tordantes ou larmoyantes, manquent d’originalité. Mais curieusement la machine, une fois en marche, fonctionne à plein régime, délivrant un humour détonnant et un panel d’émotion phénoménal. Canet démontre un sens de la mise en scène parfaitement dans l’air du temps. Sa caméra a la tremblote, ce qui est assez gênant par moment. Mais elle permet une intégration du spectateur parmi les personnages. Ainsi la force du film réside dans le fait que les hommes et femmes qui se muent à l’écran peuvent tout à fait être nos meilleurs amis à nous aussi. Et pourtant c’est bien Marion Cotillard (dans ce qui est certainement l‘un de ses plus beaux rôles, toute en naturel), François Cluzet ou Benoît Magimel (fantastiques). C’est comme si l’on partait en vacances avec eux et c’est carrément grisant de se sentir à ce point concerné. Ainsi pas besoin de se raccrocher au scénario qui n’a, lui, rien d’exceptionnel mais bien à une armée de situations qui, misent les unes à la suite des autres, forment un tout à la puissance émotionnelle démentielle. Dans le casting cinq étoiles on retiendra particulièrement les magnifiques Gilles Lellouche et Jean Dujardin, détenteurs certainement des deux rôles les plus difficiles. Devant cet étalage de rires et de pleurs, on ne peut que se retrouver tout bête. Tout étonné du large sourire figé sur notre visage. La B.O. rock et diversifiée résonne encore dans nos oreilles tandis que l’on réfléchit sur le sens de l’amitié. L’amitié et l’amour, deux thèmes que Guillaume Canet en réalisateur talentueux a parfaitement compris.