Par Aymeric Engelhard
Après la déception inattendue procurée par le « Che », « Benjamin Button » débarque en conquérant sur les écrans. Ultra plébiscité et mis en scène par un génie, cette étrange histoire est une romance des plus savoureuses où la plupart des qualités cinématographiques que l’on demande à un film sont réunies. On tient notre coup de maître du début de l’année.
On l’attendait. « L’Etrange Histoire de Benjamin Button » avait une odeur qui n’était pas sans rappeler celle du chef d’œuvre avant même sa sortie. Les nominations aux oscars sont tombées et la bête est citée treize fois, sacrée performance ! Mais qu’a-t-il donc de plus que les autres ? Tout d’abord un scénario intrigant, l’histoire d’un homme qui naît octogénaire pour mourir nouveau né. Cela surprend à la première lecture, on se demande alors comment les patrons de firmes telles Warner Bros et Paramount ont pu accepter un projet pareil. Ce scénario regorge de trouvailles et donne lieu à des situations où l’interprétation, la direction artistique et le travail sur l’image explosent littéralement à l’écran. Benjamin Button grandit à l’envers, il connaît l’amour impossible, les thèmes de la mort, de l’amour et du temps sont mis en image avec une souplesse enivrante… Le film débute donc lors de la naissance de cet étrange personnage, abandonné par son père en raison de sa laideur il grandira (ou plutôt rajeunira) non pas dans un orphelinat mais bien dans une maison de retraite. Il est recueilli par la gérante de l’établissement qui le verra s’épanouir dans l’autre sens. Il rencontre alors une jeune fille, Daisy, qui voit en lui cette différence. En rajeunissant, sa vie sera faîte de rencontres diverses, d’expériences importantes… Et pendant ce temps là Daisy grandit et s’embellit de jour en jour. Plusieurs fois dans l’histoire ils se retrouveront, un lien très fort se tisse entre eux, ils s’amourachent l’un de l’autre. L’une des phrases clé du film est : « Rien ne dure ». Leur amour a une fin, si Daisy vieillit, Benjamin de son côté rajeunit. Le tragique de la situation est exemplaire. Curieusement le concept du film pourrait être insensé mais il n’en est rien, le tout passe comme une lettre à la poste, on y croit. L’histoire est magnifiquement racontée, les évènements s’enchaînent merveilleusement, la guerre pointe le bout de son nez pour une courte séquence mémorable où une nouvelle fois la qualité artistique explose sous nos yeux.
« L’Etrange Histoire de Benjamin Button » est un phénomène artistique où chaque image est un tableau travaillé au plus haut point. Photographie et lumière s’accordent parfaitement, les effets spéciaux impressionnent, la reconstitution des différentes décennies atteint la perfection… Mais si l’on devait retenir un seul facteur d’extase visuelle c’est bien le maquillage. Voir Brad Pitt passer les époques comme cela, c’est bien la magie du cinéma. Il traverse les âges et son visage évolue à l’envers. Les prouesses effectuées en maquillage laissent sans voix. Il est vieux et ridé, il a la soixantaine, puis la quarantaine… Enfin on reste ébahi devant un Brad Pitt adolescent au visage angélique. C’est à se demander si le cinéma a des limites. Sans compter que l’interprétation de l’acteur est tout simplement mémorable, son meilleur rôle assurément, l’oscar serait mérité. Cate Blanchett est excellente mais à la différence de son collègue masculin le maquillage est bien plus voyant chez elle. Cacher les âges sous des tonnes de fond de teint n’est pas forcément une bonne idée. Par contre lors de sa vieillesse on retrouve la perfection. Ce film c’est aussi et surtout l’inventivité d’un cerveau qui a tourné sur lui-même jusqu’à l’étourdissement, un homme qui sait assurément raconter des histoires. David Fincher signe là son meilleur long-métrage. Il avait déjà ébloui avec « Seven », « Fight Club » ou encore « Zodiac » mais ici ça va chercher tellement plus loin. Le génie exploite les thèmes de la mort, de l’amour et du temps de la plus belle des manières et sa mise en scène devient un véritable must. L’une des choses que l’on reprochera c’est la longueur du film, parfois sensiblement longuet, mais rien d’alarmant à l’horizon. Musicalement, Alexandre Desplat, compositeur français, s’en sort à merveille bien qu’il reste assez sobre dans son style. Toujours est-il que « L’Etrange Histoire de Benjamin Button » va chercher loin dans la qualité artistique, David Fincher fait de son film un coup de maître unique visuellement où la poésie de ce scénario si caractéristique atteint le spectateur en plein cœur. Les quelques longueurs n’y feront rien, l’œuvre d’art est là. Déjà l’un des favoris pour être le meilleur film de l’année.