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Par Aymeric Engelhard

 

Évènement total. Ce qui aurait pu n’être qu’un gros gadin qui se trémousse avec sa fausse complexité se révèle comme une œuvre absolument gigantesque. Un choc cosmique complètement maîtrisé qui assume son statut de grosse machine tout en le transcendant.

 

Doté d’un budget de 100 millions de dollars, « Cloud Atlas » est l’un des projets cinématographiques les plus ambitieux de ces dernières années. En effet, le pari complétement frappa-dingue des Wachowsky et Tom Tykwer veut que six époques s’entremêlent avec réminiscences en moins de trois heures. Les acteurs interprètent des personnages dans chaque époque et ceux-ci sont tous en rapport constant. Les décisions se répercutent et les conséquences peuvent s’avérer terribles. On navigue entre l’année 1936 et un futur qui dépasse de très loin 2144 (dernière époque précisément datée). S’y trouvent toujours un personnage principal, un ennemi et quelqu’un que l’on nommera le sauveur. Les schémas se ressemblent et surtout s’assemblent.

 

Autant le dire, le projet était suicidaire. Et pour les réalisateurs de « Matrix », un nouveau bide cinq ans après celui de « Speed Racer » n’aurait pas constitué la meilleure des publicités. Mais c’est bel et bien bouche bée que l’on ressort de la projection. Effaré par cette immense tranche de cinéma qui vient de naître devant nos yeux. Car « Cloud Atlas » est un véritable maelström mélangeant les genres avec une facilité désarçonnante, délivrant une émotion rare pour ce type de film et engendrant une passion totale pour un scénario pourtant assez difficile à suivre. Il va de soi que certains en arriveront à préférer une strate à une autre, créant ainsi une sorte d’ennui dès que l’on y revient. Corsé de donner la même intensité à de la bonne grosse SF ou à un drame avec des vieillards en guise de héros. Mais le fait est là. Toutes les parties du scénario se voient travaillées avec cette profonde et fulgurante envie de cinéma dans sa plus pure définition. On en arrive à se dire que rien n’est inutile et qu’il manquerait presque quelques scènes.

 

En soi, ce que la bande-annonce montrait se révèle vrai : « Cloud Atlas » est tellement rempli que plusieurs films auraient pu être réalisés avec un tel scénario. Le tout fonctionne grâce à une science du montage absolument sidérante. Alexander Berner transcende la mise en scène du trio de réalisateurs pour lui apporter toute la rythmique nécessaire afin d’éviter la moindre seconde d’ennui. Un travail de titan. Et puis il y a le casting, particulièrement intelligent à quelques minuscules exceptions près (Jim Sturgess, c’est quand même pas le top). En interprétant toute une panoplie de personnages (allant carrément jusqu’à changer de sexe ou à s’« asiatiser »), Tom Hanks, Halle Berry, Jim Broadbent, Doona Bae, Ben Whishaw, Hugo Weaving et Hugh Grant font des merveilles. Ce sont les visages protéiformes qui s’animent sous les directives d’un trio au cerveau unique tournant à 300 à l’heure.

 

Les génies de « Matrix » et le maestro du « Parfum » ont tout simplement réalisé un monument qui traversera certainement les âges. Un tel film ne sort qu’une fois par décennie, le manquer au cinéma serait donc une grave erreur.