Par Aymeric Engelhard
Quand l’illustre réalisateur de « Blade Runner » et « Alien » reprend du service dans le genre qui l’a consacré, la science-fiction, on ne peut que laisser éclater notre joie. « Prometheus » c’est la promesse d’une nouvelle étape dans la grande histoire du film se déroulant dans l’espace. Un blockbuster au background scénaristique monstrueux, rempli de défauts mais extrêmement passionnant et généreux.
Rares sont les cinéphiles à ne pas avoir subi les sueurs froides produites par le xénomorphe poursuivant Sigourney Weaver dans les couloirs lugubres et mal éclairés du Nostromo. Avec « Alien », Ridley Scott proposait à la science-fiction et au film d’horreur une alliance des plus savoureuses que trahiront par la suite les inégales séquelles ainsi que les abominables spin-offs. Lorsque le britannique septuagénaire annonce vouloir doter son classique d’une préquelle dévoilant certains mystères et par là même retourner à la SF trente ans après « Blade Runner », cela laissa rêveur. Alors au final, qu’est-ce que « Prometheus », œuvre attendue comme le nouveau « 2001… », a dans le ventre ? Beaucoup et peu à la fois. C’est un vrai blockbuster avec ses malencontreux défauts (dialogues insipides, rythme tourné vers l’action, personnages secondaires bâclés et petits plaisirs coupables) mais possédant une vraie âme, une base hyper solide et rappelant de la plus belle des manières « Alien ». Pour autant, il convient de faire attention. « Prometheus » constitue un faux départ à la fameuse saga. Le film peut être vu comme une œuvre à part (pas la même planète, nouvelles créatures, motivations totalement différentes). Mais il suffit d’être un fan nostalgique pour scruter le moindre détail et repenser incessamment à « Alien ». Le film va pourtant beaucoup plus loin en dévoilant par exemple dès les premières images la création de la vie sur Terre par le biais de ceux qui mystifient les terrifiants xénomorphes. « Prometheus » traite de la vie, de ceux qui la créent. Il ajoute un chaînon entre la création de la Terre et la vie en son sein mais ne rejette en rien les théories religieuses. Son scénario extrêmement poussé nous amène à de nombreuses questions qui trouvent des résonances dans le premier épisode d’« Alien ». On ne sait d’ailleurs s’il faut prendre en compte les suites à cet épisode, tant celles-ci s’éloignent du concept de base de Ridley Scott. Les a-t-il prises en compte ? Espérons que non afin que l’immense réalisateur conserve bien l’œuvre qui est sienne. D’autant que techniquement, c’est gigantesque. Les effets spéciaux sont parfaits, les décors magnifiques (quoique pas assez sombres et peut-être trop cleans, comme les costumes), la phénoménale musique donne une vraie aura horrifique aux scènes d’action et le metteur en scène montre qu’il n’a rien perdu depuis 1979 en offrant quelques-unes des séquences les plus impressionnantes et stressantes vues depuis belle lurette. De plus, il a su trouver en Noomi Rapace la plus belle incarnation de la force féminine, encore meilleure que Sigourney Weaver ! Et Michael Fassbender interprète un androïde particulièrement ambigu dont la fausse gentillesse laisse encore songeur à l’arrivée du générique final. On regrettera juste que ce soit les deux seuls personnages à posséder une réelle profondeur. Profondeur que l’on est quand même heureux de trouver dans les limbes d’un scénario puissant et désarçonnant. « Prometheus », sous sa combinaison de blockbuster renferme le meilleur film de science-fiction de ces dernières années : explosif, passionnant, réflectif, terrifiant et s’appuyant sur le passé pour montrer les limites du futur. Un coup de génie qui passe très vite mais dont on se délecte de chaque seconde (malgré ses défauts hollywoodiens) jusque dans les plans finaux qui achèveront de vous scotcher à votre siège, les larmes aux yeux.