Par Aymeric Engelhard
Certes, la palme d’or décernée à un film français représente une fierté. Mais incontestablement le dernier festival de Cannes s’est trompé. Comme « Le Labyrinthe de Pan » en 2006, « Valse avec Bachir » est LE chef d’œuvre reparti bredouille. Un film d’animation poignant et terriblement réaliste, la quête de souvenirs d’un homme à propos d’évènements que l’humanité a déjà oubliés.
Totalement autobiographique, « Valse avec Bachir » relate la recherche de souvenirs d’un ancien soldat ayant assisté au massacre de Beyrouth en 1982. Alors qu’il a tout oublié, Ari Folman va tenter de récupérer les témoignages de ses anciens compagnons d’armes après que l’un d’eux lui ait raconté un rêve troublant en rapport avec la guerre. Petit à petit sa mémoire se reconstruit et les atrocités auxquelles il a participé ou seulement assisté refont surface. « Valse avec Bachir » ne s’aborde pas comme un film d’animation banal, de détente, loin de là. Au contraire, il doit se regarder tel un documentaire sur cette désastreuse guerre du Liban. Il montre une violence graphique difficile avec notamment des vieilles femmes et des enfants assassinés. Le réalisme est parfois tellement impressionnant que l’on a l’impression de visionner un véritable film de guerre. Dans sa recherche de souvenirs, Ari Folman interviewe des personnes, il fait appel à des témoignages, il montre certaines scènes de combat qui se sont réellement déroulées… L’utilisation de l’animation démontre toute l’intelligence du réalisateur. Celle-ci permet de repousser certaines limites, notamment au niveau de la violence et du sexe, et comme il s’agit d’une quête de souvenirs, l’animation montre comment ces souvenirs se recréent d’une certaine manière dans la tête de Folman. Comme si tout le long du film il n’avait pas une vision claire et nette des évènements. Jusqu’à la terrifiante scène finale filmée en live où le réalisateur se souvient enfin de l’horreur à laquelle il a assisté. « Valse avec Bachir » utilise par ailleurs un graphisme original qui place le film dans la lignée de « Persépolis ». Jamais dérangeant, il permet au film de s’éloigner un peu plus des productions animées destinées à la détente et au grand public. Parfaitement mis en scène, le long-métrage vaut aussi par un jeu de lumière somptueux, faisant ressortir les ombres, et certains plans paraissent tout droit sortis d’un tableau. On atteint des sommets lors de la fameuse scène du rêve. Une scène orchestrée de main de maître, sublime, poétique, où la musique n’a jamais été aussi belle. Une scène qui confirme l’appréhension générale, celle que Valse avec Bachir est, purement et simplement, un chef d’œuvre.